Mon grand-père, âgé de 92 ans et veuf depuis 7 ans, a été placé en maison de retraite, suite à une chute. Depuis, il était alité. Mon grand-père était malvoyant et malentendant, mais en pleine possession de ses facultés mentales. En maison de retraite, c’était un homme malheureux. L’appareil photo m’a permis à la fois de l’accompagner, en gardant une certaine distance, et de le faire exister dans ce lieu où il n’existait pas. Nous étions complices, et je me sentais moins impuissante.
Au fur et à mesure de mes visites, j’ai découvert son environnement, son quotidien et j’ai pu montrer la vie d’une personne âgée fragile et dépendante. J’ai partagé avec lui sa détresse et sa colère. Il ne pouvait plus gérer lui-même sa vie : il était devenu « un objet de soin » et non plus un être humain.
Mon grand-père a alors renoncé à la vie, il s’est laissé mourir… Il a refusé de s’alimenter, encore maître de son corps… Il a voulu mourir dignement, c’était son choix.
Ce reportage m’a permis de réfléchir sur la place de nos « vieux » dans notre société, de m’interroger sur l’allongement de l’espérance de vie. La durée de vie a beaucoup augmenté mais qu’en est-il de la qualité de ces années gagnées ? Pourquoi voulons-nous à tout prix maintenir en vie quelqu’un qui ne le souhaite pas ? Ne devrions-nous pas nous demander plutôt comment aider à partir avec dignité celui qui ne veut plus vivre, et ainsi, respecter son « testament de vie ».